La Collectivité européenne d’Alsace au chevet des maisons traditionnelles ; renforcer les aides, encourager les synergies

Kaysersberg (68), © Ph. Cieren.
Kaysersberg (68), © Ph. Cieren.

Sous ses formes les plus diverses, le bâti ancien est présent en nombre au sein du tissu urbain des villes et villages alsaciens. Les maisons traditionnelles en Alsace, constituent un vecteur d’attractivité très fort et présentent une grande diversité technique et formelle, des vallées vosgiennes à la Plaine du Rhin, du Sundgau à l’Outre-forêt. Gravées dans l’imaginaire collectif par les célèbres dessins de Hansi, leur pérennité est aujourd’hui plus que jamais menacée. Derrière la carte postale des « villages préférés des français », ce sont ces dernières décennies, plus de trois cents maisons alsaciennes qui disparaissaient chaque année et ce phénomène s’accélère depuis le vote en 2021, de la loi « Climat et Résilience ».

Lorsque leur bien n’a pas été régulièrement entretenu, nombreux sont les propriétaires qui renoncent à se lancer devant les prix supposés élevés et la complexité des travaux à entreprendre pour réaliser une rénovation globale. Nombreux sont également ceux qui, tentés de faire vite et pas cher, cèdent à l’injonction de diagnostics de performance énergétiques (DPE) inadaptés au bâti ancien mais devenus aujourd’hui malheureusement opposables et qui vont condamner leur bien en l’isolant par l’extérieur. Dans une région toujours dynamique d’un point de vue démographique, où les prix du foncier sont élevés et dans la perspective du ZAN, la tentation de faire “suer” le foncier au détriment de ce qui s’y trouve figure également comme une menace à l’encontre du bâti traditionnel.

Le village d’Hunspach (67) se singularise par la très rigoureuse uniformité de ses maisons blanches à pans de bois dont une part importante du XVIIIe siècle. © Ph. Cieren.

Il est dès lors du devoir des collectivités de préserver l’ancien, mais aussi d’en faire un élément d’aménagement du territoire qui corresponde au mieux aux aspirations des ménages dans toute leur diversité.

Depuis 2018, les anciens Conseils départementaux du Bas-Rhin et du Haut-Rhin se sont engagés dans des politiques d’aides aux travaux de valorisation du patrimoine (rénovations de façades, charpente, couverture et menuiseries extérieures) pour les particuliers, exceptés les meublés de tourisme et aussi de plus en plus souvent pour de l’habitat aidé.

Trois cents projets ont ainsi été soutenus sur la période 2021-2022, pour un montant total de subvention de 2,2 millions d’euros. Le total de travaux soutenus durant cette période s’élève à 12,3 millions d’euros, au bénéfice de filières artisanales à fort enjeu économique. Gage de qualité, chaque projet fait en outre l’objet du suivi des architectes conseils de CAUE, ou du Parc naturel des Vosges du Nord impliqués dans la démarche.

La nouvelle Collectivité européenne d’Alsace a, depuis 2021, fait converger les actions des anciens départements. Frédéric Bierry, son président, ainsi que l’ensemble des élus de la Collectivité, entendent aujourd’hui s’engager davantage encore dans ses politiques de soutien à la préservation de l’immobilier traditionnel et a validé le 19 juin dernier une politique ambitieuse. Sabine Drexler, Conseillère d’Alsace et Sénatrice du Haut-Rhin est plus particulièrement chargée de porter cette politique de la maison alsacienne du XXIe siècle et s’y emploie avec beaucoup d’énergie.
Le montant des aides s’élèvera à 20 % du montant des travaux avec un plafond de subvention modulé selon l’engagement des communes ou des EPCI à abonder à ces financements et selon leur engagement, à se lancer dans une identification approfondie du “ petit patrimoine ”, afin de l’inscrire in fine dans des documents d’urbanisme plus patrimoniaux. Cet encouragement à l’identification permet aussi de renforcer les élus locaux face à des décisions d’urbanisme pour lesquelles ils se trouvent parfois désarmés. Mieux connus, le patrimoine bâti pourra ainsi être mieux protégé.

Le principe d’une stratégie plus globale, ne se limitant pas juste aux aides des porteurs de projets, a également été retenu. Au-delà de la question de la préservation de tel et tel bâtiment, celle de la valorisation des paysages bâtis ruraux et urbains nécessite également d’être prise en considération. Dans une démarche transversale questionnant l’échelle urbaine et architecturale, l’ambition de la politique de la maison alsacienne du XXIe siècle est aujourd’hui de repenser les modèles d’aménagements et de constructions neuves afin qu’ils soient plus respectueux de l’esprit du patrimoine bâti alsacien historique, plus attentifs aux enjeux énergétiques et de sobriété foncière tout en s’adaptant aux modes de vie actuels des habitants.

L’accompagnement de la Collectivité européenne d’Alsace se traduit aussi par la mise en synergie d’une chaine complète de l’ingénierie. Visions prospectives à grande échelle, stratégies et portages du foncier, identification du patrimoine, adaptations des documents d’urbanisme, montage opérationnel pour des opérations complexes présentant de la mixité d’usage, ainsi qu’animation d’un réseau de professionnels de pointe, comme des architectes et des artisans, sont autant de sujets connexes qu’il apparait nécessaire de stimuler et de faire converger.

Illkirch (67), bel exemple de composition contemporaine respectant les “canons” de la maison traditionnelle alsacienne. © Ph. Cieren.

Dans le cadre de sa politique en faveur de la maison alsacienne du XXIe siècle, la Collectivité européenne d’Alsace met ainsi en place une stratégie d’action en quatre axes qui répondent à des objectifs et se déclinent en actions, avec pour ambition de :
• créer la « maison alsacienne » de demain,
• identifier et protéger les maisons anciennes,
• s’approprier et réinventer les traditions,
• promouvoir un marqueur touristique emblématique.

Pour ce faire, la Collectivité européenne d’Alsace entend s’appuyer sur les forces vives de son territoire, comme son réseau d’ingénierie territoriale, la Fondation du Patrimoine, de nombreuses associations mais aussi dans un dialogue avec les collectivités locales et les services de l’Etat.

Loin d’être dispendieux d’un point de vue énergétique, l’habitat vernaculaire apparait, à l’inverse des constructions des Trente glorieuses, adapté aux territoires et davantage résilient. Il s’agit de s’en inspirer pour promouvoir une production architecturale contemporaine de qualité. Riche d’une diversité de matériaux et de savoir-faire locaux, il convient de l’adapter aux nouvelles façons d’habiter.

Dans le même dossier